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Tout promettait cet artiste à l’étrange. Son prénom et son nom polonais qui forcent la bouche à mâcher des débris d’astéroïdes piqués de clous de girofle : Wojtek Siudmak. Puis son empire : la science-fiction. Et son style ”hyperréaliste fantastique“, dit-il.

Enfin sa matière : non l’huile, trop charnelle, ni l’aquarelle, trop coulante, des eaux transparentes de la grâce, ni la gouache, trop pâte à tarte, mais la peinture acrylique, à base d’un acide éthylique, obtenu par oxydation de l’acroléine. L’acroléine, vous me suivez ? … qui repère les fuites des fluides frigorigènes. Ce chevalier venu du froid, chevauchant une congère, nous apporte le pur bonjour des glaces. Plus que tout autre Wojtek le Mutant, Siudmak l’Acrylique, fruit d’un acide et d’un lac gelé, était fait pour parachuter en nos capitons l’aérolithe des mondes d’un au-delà et des transes fertiles du futur. Dans un air raréfié surgissent des héros d’éternité. Des Tarzans à l’innocence aussi bourrelée de pectoraux que, dans le crime, les tueurs de vieilles rentières de Neuilly devraient être bourrelés de remords. En leur main l’épée de Roland est remplacée par un laser. Le nouvel Adam, se souvenant des anciennes légendes, tente d’être le Tristan d’une Yseult de l’an 2000. Il ne réussit à former un couple avec elle qu’en prenant un visage féminin, alors qu’elle se dote de maxillaires virils à la Ursula Andress. Le véritable avenir d’Adam est ”l’androïde interstellaire traversant le temps“, l’automate à forme humaine couronné d’un casque de motard, aux brisures d’oeuf à la coque. Un robot épilé et châtré. Au bas de son ventre, vous chercherez en vain l’organe qui fit traiter de ”phallocrates“ les derniers mâles du matriarcat. La victorieuse suprême est la femme. Siudmak lui garde tous ses attributs. Couchée, debout, il l’affine en invincible grâce. Tentée, telle Lykonia ”par le fruit venu de l’empire Karras“, ou telle Orianne triomphant des monstres avec d’immenses yeux étonnés, elle échappe à toutes les souillures et explosions qui pulvérisent Adam.

Avec la pureté picturale d’un Monsieur Ingres, couvant sous sa redingote un Gustave Moreau et un Dalí aiguisés, Siudmak célèbre une Assomption perpétuelle de la Femme, héritière de la Vierge du Moyen Âge, reine des anges. Parmi les vaisseaux cosmiques sillonnant l’espace, il chante un immortel Ave Maria, en écho à la galanterie agenouillée de Villon, s’écriant, après avoir décrit les affres de la mort:

Corps femenin, qui tant es tendre,
Poli, souaf, si precieux,
Te fauldra il ces maux attendre ?
Oy, ou tout vif aller es cieux.

[Fran.ois Villon, Le Testament, translated by Henry De Vere Stacpoole – translator’s note]
Préface pour portfolio “Siudmak – Univers fantastique” Éditions Julliard, Paris 1980

Paul Guth
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