La Beauté que transmettent les couleurs de SIUDMAK est une beauté immédiatement évidente. N’importe qui peut y être sensible comme je l’ai été la première fois que j’ai regardé, en passant dans la rue, une affiche de SIUDMAK parmi cent autres affiches. En regardant certaines toiles de SIUDMAK, j’entends chanter les vers de Gérard de Nerval:
Ils reviendront ces dieux que tu pleures toujours
Le temps va ramener l’ordre des anciens jours
La Terre a tressailli d’un souffle prophétique…
Cependant la Sybille au visage latin
Est endormie encore sous l’arc de Constantin
Et rien n’a dérangé le sévère portique.
Le monde est à peine dessiné aujourd’hui par les autres, ce sont des traits imparfaits, ce sont des esquisses qui veulent ressembler à l’esquisse de notre univers. Et chaque fois, au contraire, dans les oeuvres de SIUDMAK, le trait est la simplicité de l’affirmation. Il affirme tout le temps des évidences et des certitudes dans un monde qui doute encore. Et le rêve, toujours le rêve, avec le troisième oeil qui veille quand les deux autres feignent de dormir. Et la toile craquelée toujours et tenant par miracle, toujours les miettes, toujours les débris, toujours la cassure, les failles, et le mouvement, qui subsiste pour l’immobilité de la beauté et du rêve. C’est l’émotion de la beauté et non pas l’émotion du sentiment que dégagent les peintures de SIUDMAK : il y a volontairement dans la recherche de SIUDMAK, le désir de mettre de côté, pour le moment, le sentiment. Que l’émotion, les larmes, la vibration des corps viennent uniquement de la Beauté tranquille.
Cette beauté était tellement saisissante, que je me suis arrêté immédiatement comme on s’arrête devant un arc-en-ciel, parce qu’il est évidemment beau. On est saisi par un arc-en-ciel que l’on soit à Paris, en Australie parmi les Aborigènes, dans un gratte-ciel à New York, au Sahara, à Livry-Gargan. C’est un langage commun à tous les hommes que la Beauté. Et dans notre monde où les idéologies sont en fracas, en tumulte, on dirait que seul le langage de la Beauté devient le langage commun à des humains de races, de couleurs différentes, de formation, de cultures différentes. Un arc-en-ciel, un cheval qui galope, un chat qui s’étire, un animal, une femme qui marche seins en avant quelle que soit la couleur de sa peau, sont immédiatement fascinants pour tous.
Les couleurs, les traits, pleins, simples, harmonieux de SIUDMAK sont en fait un combat permanent entre eux pour dégager l’harmonie. Chez SIUDMAK le futur ne bégaye pas du tout, le futur n’est pas incertain, le futur s’affirme tout le temps. C’est l’évidence du fantastique. Tous ses traits sont vécus : l’eau a la densité du mercure, on peut la toucher. L’imaginaire a la densité de la réalité. Le nuage a une forme palpable, on peut le caresser. On a envie d’embrasser les êtres. C’est l’irrationnel vivant. Les vivants de l’espace ont choisi l’extra-terrestre SIUDMAK pour se faire connaître. Mais à vivre sur Terre, SIUDMAK est devenu un Terrien et tout en faisant la publicité de l’espace, s’est mis en douce à défendre l’Homme. Mais les autres ne le savent pas encore.
Je ne suis pas d’ici
Je ne suis pas de Terre
Mais il faudra le taire
Car l’homme est sans merci.
Dans ces rayons qui sont de chair, le temps est absent. Il est immobile dans les tableaux de SIUDMAK. Mais ce temps lui-même est devenu un fruit, c’est une situation déterminée une fois pour toutes. Toutes ces beautés semblent immortelles, impérissables, sans aucune prise par le temps, mais le temps prend une autre dimension : celle des rêves.
(“Bribes jetées en regardant l’oeuvre de SIUDMAK”, Album 1)
Guy Béart
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